Le mystère du parc à huîtres du baron de Bellevert à Etretat

Tipeee pour la Gazette de Rennes-le-Château
Les bassins du parc à huîtres vus du sommet de la falaise de la Porte d'Aval, à quelques mètres de la Chambre des Demoiselles, chère à Maurice Leblanc... - © Elen Tournadre
Les bassins du parc à huîtres vus du sommet de la falaise de la Porte d’Aval, à quelques mètres de la Chambre des Demoiselles, chère à Maurice Leblanc… – © Elen Tournadre

Le baron de Bellevert et le parc à huitres

Nous sommes en 1783 et nul n’imagine encore l’ouragan révolutionnaire qui va balayer la France quelques années plus tard ! Sur la côte normande, Etretat est un village de pêcheurs avec quelques masures… Il y a bien une petite garnison affectée à la protection d’une sorte de tour de guet bâtie au XVIIe siècle, mais rien qui puisse donner au lieu une importance quelconque. Ajoutons qu’il n’y avait pas à l’époque une sympathique hostellerie semblable à celle qui nous abrita durant notre séjour et que la cuisine devait être beaucoup moins raffinée que celle que nous avons eu le plaisir d’y déguster !
C’est par un mauvais chemin venant de l’intérieur des terres qu’un beau jour de 1783, Joseph Mathieu Philibert Fabre, baron de Bellevert (1730-1797), – Baron sans que l’on sache réellement si ce titre est acquis ou usurpé ! -, fait étape à Etretat afin de découvrir son nouveau domaine.
L’homme n’en est pas à sa première tentative ! En effet, il avait déjà quelques années auparavant largement hypothéqué la fortune de son pauvre père, en opérations pour le moins hasardeuses. Mais aujourd’hui, il vient avec une idée apparemment rentable, celle de construire et d’exploiter un parc à huîtres dans la baie d’Etretat. D’ailleurs, il ne vient pas seul mais accompagné d’une certaine Dame du Tremble, à la noblesse encore plus fictive que la sienne. Elle s’appelle en réalité Agathe Dutremble et, sous couvert d’être sa « filleule », réunit les fonctions de compagne et de prête-nom dans certaines opérations qu’il ne peut exécuter sous sa propre identité !

En arrière-plan du parc à huîtres, le Trou de l'Homme qui mène à l'Aiguille - © Elen Tournadre
En arrière-plan du parc à huîtres, le Trou de l’Homme qui mène à l’Aiguille – © Elen Tournadre

Pourquoi nous intéresser à une semblable histoire ? Nous allons voir que, sous couvert de l’exploitation mais surtout du transport des huîtres, c’était peut-être des opérations beaucoup plus mystérieuses qui étaient ainsi effectuées et dont les liens avec un certain «  dépôt trésoraire  » peuvent être prises au sérieux.

Résumons la situation… Le baron de Bellevert achète une portion de littoral et de rochers à un ancien marin d’Etretat, le sieur Legros afin d’y créer un parc à huîtres. Ces huîtres étaient acheminées depuis Saint-Vaast-la-Hougue ou Cancale par un vaisseau joliment nommé « la Syrène ». A Etretat, elles pouvaient bénéficier de l’eau claire et non salée d’une rivière souterraine qui se jetait dans la mer non loin de la porte d’Aval dont on peut aujourd’hui encore observer l’embouchure à marée basse.

Résurgence du fleuve souterrain d’Etretat qui sourd des falaises de la Porte d’Aval
Résurgence du fleuve souterrain d’Etretat qui sourd des falaises de la Porte d’Aval – © Johan Netchacovitch
Résurgence du fleuve souterrain d'Etretat qui sourd des falaises de la Porte d'Aval
Résurgence du fleuve souterrain d’Etretat qui sourd des falaises de la Porte d’Aval – © Johan Netchacovitch

C’est grâce à cette eau claire mêlée à l’eau de mer que les huîtres pouvaient se fortifier et acquérir un goût très particulier dont la reine Marie-Antoinette, paraît-il, raffolait ! L’opération se déroulait dans une quinzaine de grands bassins dont je n’ai pas manqué de photographier les ruines durant mon dernier séjour à Etretat le 30 Janvier, en l’agréable compagnie de toute l’équipe de la Gazette de Rennes-le-Château… accompagnée de quelques fervents supporters !!!

Chevalier d’industrie, à une époque où il était de bon ton pour la noblesse « éclairée » de se lancer dans les affaires, le baron de Bellevert semble également avoir été un familier de l’entourage du roi Louis XVI. Voilà qui ne manque pas d’intriguer, tout autant que le fait d’avoir eu l’étrange idée de choisir Etretat, ce village dont nous avons souligné l’isolement et, il faut bien dire, le peu d’attrait !
D’ailleurs, même si le baron se montra très habile publiciste pour faire la promotion de ses huîtres, rien ne prouve que ce ne fût pas avant tout une juteuse opération financière concrétisée par la création d’une « société en commandite » d’exploitation des huîtres d’Etretat. Raymond Lindon qui fut maire de la ville de 1929 à 1959 résume assez bien la situation : «  Le mirage des huîtres d’Etretat était si brillant et si trompeur que par-delà la tombe, Bellevert continue à faire vivre les illusions qu’il a créées. Et chez qui ? Chez les représentants les plus qualifiés de l’administration des Domaines. L’Etat, en effet, pendant dix ans, a voulu croire que les actions du parc d’Etretat avaient une valeur et s’est ingénié à la découvrir.  »

Détail du parc à huîtres - © Elen Tournadre
Détail du parc à huîtres – © Elen Tournadre

Un dépôt trésoraire au parc à huitres

Mais il reste un autre mystère, fort bien évoqué par Didier Audinot, dans Le Trésor des rois de France (Paris, Editions Prospections, 1987) : «  Un étrange ballet de convois bâchés prend régulièrement et dans les deux sens le chemin d’Etretat à Paris et à Versailles. Que de précautions, du reste dans ces transports !  ». Et l’auteur d’ajouter que 10 ou 12 chevaux étaient nécessaires pour traîner un modeste convoi censé transporter des huîtres. Nous l’avons compris, il est fort possible que Bellevert ait acheminé autre chose que des fruits de mer…Quelque cargaison beaucoup plus précieuse et surtout beaucoup plus lourde ! Rien ne semble en effet plus facile que de transporter discrètement et sans risque de l’or et des objets précieux sous couvert d’un banal voyage commercial.
De là, à faire le lien avec ce « dépôt trésoraire » des Bourbons ou des Capétiens dont la légende navigue d’Etretat à Rennes-le-Château, en passant par bien d’autres lieux, il n’y a qu’un pas… Maurice Leblanc, l’auteur des aventures d’Arsène Lupin, n’avait-il pas localisé le trésor des rois de France dans cette région de Normandie ?
Après avoir souvent évoqué « l’or de Rennes », peut-être allons-nous désormais avoir l’occasion de parler de « l’or d’Etretat »… Affaire à suivre !

Depuis le parc à huîtres, vue sur Etretat et la Porte d'Amont
Depuis le parc à huîtres, vue sur Etretat et la Porte d’Amont – © Johan Netchacovitch

3 février 2010, mises à jour 17 aout 2019 et 19 février 2020, Elen TOURNADRE ©

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