L’abbaye d’Orval

Deuxième partie : L’abbaye d’Orval. Le journaliste et écrivain, Pierre Guelff, a publié la “Belgique mystérieuse, insolite et sacrée“, Editions Jourdan, Belgique-France en 2007. Spécialisé en spiritualité, franc-maçonnerie, lieux sacrés, initiation, symboles, il a aimablement proposé à la rédaction de la Gazette de Rennes-le-Château de mettre en ligne trois parties de son livre consacrées à Bouillon, Brûly-de-Pesche et le bunker d’Hitler. Nous l’en remercions !
Ces trois articles introduisent un voyage d’études de la rédaction dans les Ardennes belges et françaises ! (La rédaction)

Pierre Guelff à la foire du livre de Bruxelles pour abbaye d'Orval
Pierre Guelff à la foire du livre de Bruxelles

D’étonnantes énigmes chez les Cisterciens

Orval, Florenville, la forêt de Merlanvaux, Chassepierre, Villers-devant-Orval, la forêt de Maidgibois…, tout cela sent la Gaume profonde où il fait si bon vivre. On prétend que la fée Mélusine aurait été à l’origine de l’érection de l’abbaye d’Orval, là où le célèbre médecin-astrologue Nostradamus aurait vécu plusieurs plus années afin de consulter des livres bien précis dans la très riche bibliothèque des moines, ceux-ci détenant des collections uniques en Europe.

Une fée bâtisseuse

Mélusine était une fée qui apportait la gloire, la richesse, la force et la puissance. Protectrice de la Maison de Gavre en Belgique, elle était aussi une inspiratrice de talent : n’a-t-elle pas construit la chapelle pour la cérémonie de son mariage en une nuit ?
Elle faisait surgir, comme par enchantement, un château juché sur une colline, des couvents, des églises… Cette mère de dix enfants modèle, apportait la prospérité en plus d’être une très jolie et aimable femme.
Deux légendes suivent cette première narration. La première dit qu’elle travaillait la nuit, au clair de lune et avant le chant du coq, mais qu’elle arrêtait sa construction si on la surprenait à la tâche.
C’est la raison, prétend-on, pour laquelle certains édifices sont restés inachevés : il manque la dernière pierre de la flèche (qui culmine à 75 m) de l’église Notre-Dame de Niort, par exemple.

Deuxième légende : une sorcière avait prédit à Mélusine que, si, un samedi, son mari la regardait (en secret prendre son bain, par exemple), elle resterait à tout jamais transformée en femme-serpent, c’est-à-dire très jolie femme jusqu’au nombril, ensuite le corps se terminant par une queue de serpent.
Son mari, Raymondin, avait accepté pareil marché et ils eurent même dix enfants, jusqu’au jour où, poussé par la curiosité, voire une jalousie non fondée, l’homme regarda…
Surprise, Mélusine hurla et plus jamais son mari ne la vit sous une forme humaine.

Orval est nichée dans un écrin de verdure à quelques pas de la frontière française, plus particulièrement proche d’Avioth et de sa Basilique des Champs, et c’est un coin béni des dieux qui attire annuellement des dizaines de milliers de visiteurs, de touristes et de pèlerins. Certaines personnes y séjournent même plusieurs jours dans le cadre d’une retraite, d’un temps de ressourcement, d’un repos spirituel dans le silence.
Pour d’autres, la bière, le fromage et les ruines de l’ancienne abbaye sont leurs principaux buts de visite.

Orval d'hier et d'aujourd'hui - © Pierre Guelff
Abbaye d’Orval d’hier et d’aujourd’hui – © Pierre Guelff

Enfin, il y a quelques personnes qui se désintéressent totalement de tout cela, car leur but essentiel réside dans la recherche acharnée de bijoux, de diamants et de deux millions de livres en or naguère entreposés dans des coffres et peut-être disséminés dans ce bout de terre de la Province de Luxembourg.

Un trésor au fond de l’étang

Le roi de France Louis XVI, petit-fils de Louis XV, a été orphelin très jeune et reçut une éducation très conservatrice et religieuse. Vertueux, timide, même avec son épouse Marie-Antoinette, il désira rompre avec quelques habitudes de débauche à Versailles.
Mais, à cette époque, la Cour était dominée par la Marquise de Pompadour, qui avait été séduite par Louis XV et qui fréquentait Voltaire, Rousseau, La Tour, Boucher…
Louis XVI n’avait donc pas que des amis (le couple royal était également raillé dans des caricatures féroces du genre : « Les amours de Charlot et de Toinette ») et il décida de fuir le pays, compte tenu de l’avance de la Révolution, les passeports des membres de la famille royale étant falsifiés. Ainsi, Louis XVI était devenu M. Durand, l’intendant d’une baronne, Marie-Antoinette voyagerait sous l’identité de Mme Rochet, gouvernante des enfants de la même baronne, le Dauphin avait été déguisé en fille…
Louis XVI avait convenu de descendre à l’abbaye d’Orval et y avait même déjà dirigé le convoi de deux voitures comprenant les fameux coffres contenant de précieux objets.
Le 21 juin 1791, peu après minuit, fut le départ vers Montmédy, puis la Belgique, des deux voitures royales. Sur le trajet, quelque 180 dragons et 40 hussards devaient protéger discrètement la route, mais, près de vingt-quatre heures plus tard, à 23 heures 10, le convoi fut mobilisé à Varennes…
Louis XVI fut décapité le 21 janvier 1793, à 10 heures 22, sur la Place de la Révolution, devenue Place de la Concorde, sous les yeux de cinq ministres du Conseil exécutif provisoire. Marie-Antoinette subira le même sort, le 16 octobre 1793 à 12 heures 15.

De la décapitation nécessaire …

En 1993, le « Pèlerin Magazine » et la société de sondage SOFRES ont réalisé une enquête dans le cadre du bicentenaire de la mort de Louis XVI, que je vous résume en cinq points assez révélateurs :

  1. S’ils avaient été députés de la Convention, 9% des Français voteraient encore en 1993 la mort du roi, 16% sa mise en liberté, 53% l’auraient envoyé en exil et quelque 20% auraient choisi l’emprisonnement.
  2. Sur l’échiquier politique, la clémence (exil ou liberté) a recueilli 59% à gauche pour 75% à droite.
  3. La libération de Louis XVI aurait été votée par 72% des écologistes.
  4. En 1993, la décapitation de Louis XVI a été jugée comme une nécessité par 48% des Français et comme une erreur grave par 49% d’entre eux.
  5. A la question de savoir si les Français souhaitaient un retour à la monarchie, 60% d’entre eux ont jugé que ce serait un recul pour 3% seulement qui ont considéré cela comme une source de progrès.
Ruines de l'église de l'abbaye d'Orval
Ruines de l’église de l’abbaye d’Orval – © Pierre Guelff

… au trésor de l’abbaye d’Orval

Quoi qu’il en soit, en 1793, les bons moines d’Orval se sont retrouvés avec un fabuleux trésor sur les bras. Alors, ils le cachèrent en le dispersant en divers endroits de leur vaste domaine ou de terres, parfois lointaines, qui leur appartenaient.
Néanmoins, certaines légendes semblent destinées à avoir la vie dure et prendre des directions insoupçonnées. Ainsi, l’une d’elles dit qu’une grande partie de l’immense fortune disparue du roi de France n’a jamais quitté Orval et qu’elle gît, engloutie, au fond de l’étang qui se trouve devant l’abbaye, voire enfouie dans les bois environnants…
Sur quoi ces légendes peuvent-elles bien se baser ?
On rapporte que d’éminents personnages sont venus fouiller les lieux quelques mois après la chute de Louis XVI et qu’un moine, qui en connaissait trop long sur cette troublante énigme, a disparu à tout jamais de l’abbaye sans laisser la moindre trace.
On raconte, aussi, que des braconniers auraient vu, en pleine nuit, des Cisterciens enfouir des coffres dans le sol de leur domaine…
Il n’en faut donc pas plus pour que certaines personnes, munies de détecteurs de métaux, scrutent le sous-sol d’Orval avec ferveur…

Dans mon importante documentation (voir bibliographie de « Belgique mystérieuse, insolite et sacrée »), j’ai découvert une information susceptible d’accréditer le dessein de Louis XVI de venir à Orval : le 5 brumaire de l’an V, on annonça à Paris la destruction de l’abbaye d’Orval “brûlée pour avoir préparé une fête, réceptacle et compagnie au tyran, lors de sa fuite par Varennes.”
Une fuite prévue par Nostradamus (venu à Orval pour consulter des ouvrages dans sa bibliothèque célèbre) dans son quatrain IX-20 où il est question, effectivement, d’un roi, d’une reine, de Varennes…

D’étranges coïncidences à l’abbaye d’Orval

Dans toute légende qui se respecte, il y a une part de vérité (parfois minime, j’en conviens) et de faits historiques, mais beaucoup de gens voient aussi des coïncidences troublantes ou fâcheuses, selon les cas. Ainsi, à Orval, d’aucuns voient dans une vieille taque de cheminée Adam et Eve cueillant des Pommes d’Or au Jardin des Hespérides…

La fontaine Mathilde abbaye d'Orval
La fontaine Mathilde dans l’abbaye d’Orval – © Pierre Guelff

Encore à propos d’Orval, laissons- nous, cette fois, gagner par la belle histoire de la comtesse Mathilde de Toscane.

A ce sujet, un moine me prêta un ouvrage contant l’historique de l’abbaye de manière très approfondie. J’y appris que cette Mathilde de Toscane avait épousé, en 1071, Godefroid III, duc de Basse-Lorraine, qui décéda en 1076, puis, en 1089, elle épousa un certain Welf, duc de Bavière, ensuite, qu’elle soutint fermement le parti du pape, les Guelfes (mes ancêtres) , et pour cause, Welf était de la même lignée que les partisans du Souverain Pontife. Mathilde décéda en 1115 et son corps fut inhumé à Saint-Pierre de Rome.

Revenons-en à Orval et à Mathilde de Toscane qui, se promenant dans cette superbe région boisée, s’était arrêtée près d’une fontaine afin de s’y désaltérer.
Elle se pencha au-dessus du plan d’eau qui se trouvait au pied de la fontaine et y avança une main afin de se rafraîchir.
Mais, dans un geste un peu trop brusque, elle sentit son alliance glisser le long du doigt et tomber au fond du bassin. Elle tenta vainement de retrouver l’anneau d’or qui lui tenait tant à cour.

Las ! Elle finit par prier la Vierge de l’aider dans ses recherches. Aussitôt, une truite apparut et pointa sa gueule hors de l’eau : l’alliance de la comtesse était là, sous ses yeux, coincée entre les « lèvres » du poisson !
Emue aux larmes, Mathilde de Toscane s’écria :

C’est un val d’or, ici !

Elle prit la décision de fonder un monastère en ce lieu béni. De val d’or à Orval, la légende et la renommée d’Orval étaient nées !

Quelque temps plus tard, effectivement, les moines dressèrent une fameuse abbaye contenant une bibliothèque remarquable de 15.000 ouvrages et manuscrits précieux, comme je l’ai signalé ci-avant.
C’est peut-être la raison pour laquelle Louis XVI, très pieux, souvenons-nous en, comptait tellement s’arrêter à Orval afin d’y méditer, lire et se reposer de ses émotions.

A l’heure actuelle, si l’emblème d’Orval est principalement composé d’une truite qui tient dans sa gueule un anneau brillant de mille feux, c’est surtout la vue d’étranges promeneurs qui surprend parfois le passant.
Effectivement, se baladant dans les jardins d’Orval, dans l’immense domaine qui entoure l’abbaye ou dans les bois environnants, vous rencontrez parfois – mais de plus en plus rarement, paraît-il – des gens qui se disent persuadés de se trouver au-dessus du fabuleux trésor du roi de France.
Le comble, si j’ose dire, c’est que plusieurs parmi ces personnes se sont quasiment ruinées dans pareilles recherches, m’a-t-on encore précisé sur place.
Illusion ? Loufoquerie ? Fond de vérité ?

Errants de Nuit et puits unique à l’abbaye d’Orval

Le chapitre abbaye d'Orval près de l'auberge de l'ange gardien.
Le chapitre – © Pierre Guelff

Peu avant l’abbaye, un établissement à l’enseigne « A L’Auberge de l’Ange Gardien » propose bière et fromage d’Orval, mais, aussi, quelques plats régionaux : Civet de Marcassin, des pâtés de sanglier, de chevreuil de faisan…, et, en attendant de vous servir, vous suggère de lire un périodique annuel du cru portant comme titre “A l’Ange Gardien”.
Dans son numéro de 2004, il était justement question de ce trésor de Louis XVI qui hante l’inconscient collectif, un trésor tellement bien caché qu’il n’est toujours pas retrouvé, malgré des décennies, voire des siècles, de personnes qui cherchent dans les moindres recoins et anfractuosités.
L’éditeur de ce périodique, W. De Hertogh, rappelle, aussi, qu’un ouvrage « Les Errants de Nuit » écrit par Paul Féval en 1883 (Editions Société générale de librairie catholique, Bruxelles-Genève), évoque les ruines d’Orval « que fréquentent à l’envi pilleurs louches et malfrats organisés. »

Il y a peu de temps, j’ai passé la nuit de Noël à l’hôtellerie de l’abbaye d’Orval. La nature semblait figée par le froid glacial qui soufflait sur les Ardennes. Les arbres, dépouillés de leurs feuilles, supportaient avec peine la neige tombée en cette nuit de Lumière.
La pièce d’eau située au centre de la cour d’honneur de l’abbaye était complètement gelée. Dans le jardin des plantes médicinales, l’absinthe, l’aubépine, la guimauve, la réglisse sauvage, la verveine, la belladone, le romarin, courbaient l’échine et attendaient que l’hiver passe, avant de produire, à nouveau, ces richesses de la création qui nous aident à lutter contre la maladie et la souffrance.

Le lendemain, alors que le soleil luisait quelque peu, un moine m’emmena dans une petite cour intérieure de l’hôtellerie et me montra le puits d’où sortait le bruit d’un écoulement :

C’est le seul puits au monde où l’eau vive file sous les yeux, m’expliqua-t-il. Il a été baptisé « Puits d’Amour »

Et si le trésor de Louis XVI y avait été précipité ?

1ère partie : Brûly-de-Pesche (Le bunker d’Hitler)

9 mars 2008, mise à jour 22 décembre 2019, © Pierre Guelff

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