Carcassonne Ville Sacrée et de Trésors : reportage et documentaire

Parrainage Gazette

Carcassonne, une forteresse médiévale

Ce mercredi soir à 21 h 05 sur RMC Découverte, un documentaire réalisé par Maxime Jouan et Guillaume Dietrich sur la Cité de Carcassonne ! A (re)voir !

“La cité de Carcassonne a été fortement influencée par l’architecture militaire. Sa forteresse, l’une des mieux conservées d’Europe, est l’un des sites les plus visités de France, avec 2 millions de personnes qui s’y pressent chaque année. Par sa dimension, sa complexité et son état de conservation, elle rend compte de 1000 ans d’histoire architecturale dans la défense militaire. Des experts et des historiens décryptent les prouesses techniques du bâtiment qui ont révolutionné l’architecture de l’époque et livrent ses légendes et secrets.” (DR)

La Cité de Carcassonne vue du Pont Vieux
La Cité de Carcassonne vue du Pont Vieux

Petit reportage sur les singularités de la Ville de Carcassonne (je devrais dire les villes !) en forme de carte postale.

En vacances cet été dans le Cabardès, j’en ai profité pour visiter plus en détail les villes de Carcassonne. Je dis ici « les villes » car, à côté de la Cité bien (trop ?) connue, la Bastide de Louis IX (Saint Louis) s’étend, secrète, à ses pieds, entre Aude et Canal du Midi. Ces deux entités ont vécu comme deux villes distinctes d’ailleurs, jusqu’en 1796.

Je précise que les informations livrées ici, sans aucune prétention, ne sauraient se comparer à un travail d’érudition, étant pour la plupart issues des documents, affiches ou prospectus recueillis sur place.

Grille de balcon, Place Carnot, dans la Bastide à Carcassonne
Grille de balcon, Place Carnot, dans la Bastide

Abrégé d’histoire de Carcassonne

Tout d’abord un (très) rapide survol des dates principales de l’histoire de Carcassonne :

• Oppidum gaulois romanisé vers 30 av. JC ;

• Etablissement des premiers remparts et fortifications de la Cité vers le IIIe siècle. A noter qu’aujourd’hui, les tours dites autrefois « wisigothiques » de la Cité sont estimées gallo-romaines (voir les constructions similaires du Mans) : que reste-t-il comme exemple d’architecture wisigothique dans cette région ? ;

• En août 1209, capitulation de Raymond-Roger Trencavel, seigneur de Béziers et de Carcassonne devant Simon de Monfort (Croisade contre les Albigeois). Le Vicomte meurt peu après dans les geôles de la Cité ;

• En 1240, Raymond Trencavel, fils du précédent, tente sans succès de reprendre la Cité aux troupes royales. Il cède ses droits à Saint Louis en 1246. C’est à cette époque que la deuxième ligne de fortification de la Cité et la Grande Barbacane sont édifiées ; les travaux seront poursuivis par Philippe le Hardi, fils de Saint-Louis ;

• Mi-XIIIe siècle, Saint-Louis ordonne de détruire les faubourgs qui s’étendaient au pied de la Cité et décide la construction de la Bastide ;

• En 1355, le Prince Noir (« Dauphin » du Roi d’Angleterre – Guerre de Cent ans) incendie et détruit la Bastide qui sera reconstruite sur le périmètre que l’on connait actuellement, plus restreint que celle de Saint Louis (plan en hexagone tronqué qui s’approche d’un pentagone ! );

• Au XVIe siècle (1590), lors des guerres de religions, deux factions catholiques (les modérés et les « ultras » – la Ligue -) s’affrontent à Carcassonne : l’un, Joyeuse (dont nous avons déjà parlé à propos de Notre Dame de la Paix, futur « Frère Ange ») tient la Cité pour les « ultras », l’autre, Montmorency tient la Bastide pour les modérés. Tout cela occasionna moult nouvelles dégradations, notamment à Notre-Dame de l’Abbaye dont nous allons parler plus loin ;

• En 1844, Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc est chargé par la commission supérieure de Monuments historiques de consolider et restaurer la basilique Saint Nazaire et Saint Celse : les travaux se poursuivront jusqu’en 1867 ;

• En 1850, Viollet-le-Duc est chargé par le ministère de l’Intérieur et la commision des Monuments historiques de restaurer la Cité et ses remparts ; les travaux se poursuivront jusque dans les dernières années du XIXe siècle, longtemps encore après la mort de Viollet-le-Duc le 17 septembre 1879.

Carcassonne, la ville aux trois cathédrales

Saint Nazaire et Saint Celse

Débutons donc cette visite par la cathédrale (ex-cathédrale, basilique depuis 1898) Saint Nazaire et Saint Celse, située dans la Cité.

Cette église, d’abord romane (mais vraisemblablement sur un édifice plus ancien), puis gothique après la prise de la Cité lors de la croisade, est restée longtemps la cathédrale de Carcassonne, d’environ depuis le début du Xe siècle jusqu’en 1803, date du transfert du siège cathédral à l’église Saint-Michel dans la Bastide. Sans revenir sur les Saints Protecteurs dont la particularité a été de nombreuses fois abordée (on les rencontre à Rennes-les-Bains, et ils rappellent un autre « couple » de saints célèbres, Saint Gervais et Saint Protais, à Paris et à Gisors ; j’avais souligné également la proximité de Saint Nazaire et de Lupin), je voudrais ici attirer l’attention sur quelques points singuliers.

La basilique renferme notamment la dalle de Simon de Monfort, le héraut de la Croisade qui s’est en fait révélé et imposé comme chef incontesté de la Croisade devant Carcassonne.

Dalle de Simon de Montfort à la basilique Saint Nazaire et Saint Celse de la Cité de Carcassonne
Dalle de Simon de Montfort à la basilique Saint Nazaire et Saint Celse de la Cité de Carcassonne

Nous y découvrons aussi des vitraux intéressants des XIIIe et XIVe siècles dont je ne détaillerais ici que celui dit « de l’arbre de vie » (vers 1315).
Ce vitrail qui se développe, dans la chapelle Sainte Croix, au-dessus d’une statue curieuse de la Trinité, image les écrits de Saint Bonaventure (eh ! oui !, Dorothée n’est pas loin !).

Bonaventure, né vers 1220, mort le 15 juillet 1274 à Lyon, franciscain, théologien, cardinal-évêque d’Albano a été reconnu Docteur de l’Eglise le 14 mars 1588 (« Docteur séraphique ») par Sixte-Quint. Parmi ses nombreux écrits, son Lignum vitae (1260) se propose en 48 méditations de donner au chrétien un support mnémotechnique pour l’aider dans sa méditation sur la foi. Se basant sur l’arbre évoqué dans le Livre de l’Apocalypse, Bonaventure détaille les fruits spirituels de la méditation sur la Passion et la Croix du Christ. Cet opuscule a inspiré quelques peintres (la représentation de cet arbre de vie est cependant relativement rare, voire unique en ce qui concerne le vitrail gothique) dont le plus connu est Taddeo Gaddi qui l’a déployé sur une fresque immense sur le mur du fond du grand réfectoire de Santa Croce à Florence.

L’intérêt du vitrail carcassonnais (baie n° 17 dans le recueil de la base Mémoire !) ne réside cependant pas là (dans mon optique restreinte ici d’étude de quelques points singuliers carcassonnais !) mais dans la restauration entreprise en 1853 sous l’égide de Viollet-le-Duc. En effet, la partie basse du vitrail a été sérieusement transformée par rapport à l’original dont on suppose qu’il représentait simplement Saint Jean et Marie au pied de l’Arbre/Croix. On observe aujourd’hui Adam et Eve croquant chacun une pomme avec le serpent à tête d’homme s’enroulant autour du tronc et, de part et d’autre, les deux arches de l’Ancien Testament : l’Arche de Noé et l’Arche d’Alliance. Ajoutons que ces arches sont totalement déplacées par rapport au texte de Bonaventure.

Ci-dessous le détail de l’Arche d’Alliance (FEDERIS ARCA) où l’on peut noter les fleurs de lys, les sept arcades de l’Arche, les chapiteaux du même style que celui du balustre de Rennes-le-Château et les deux voiles censés cacher quoi ?

Détail de l'Arche d'Alliance (FEDERIS ARCA) à la basilique Saint Nazaire et Saint Celse de la Cité de Carcassonne
Détail de l’Arche d’Alliance (FEDERIS ARCA) à la basilique Saint Nazaire et Saint Celse de la Cité de Carcassonne

Avant de quitter Saint Nazaire et Saint Celse, retenons également que 22 statues gothiques ornent les piliers du choeur qui présentent une abside à sept pans.

La première cathédrale de Carcassonne : Notre Dame de l’Abbaye

Cette église totalement oubliée du circuit de visite carcassonnais se situe en contrebas de la Cité, entre la Porte Narbonnaise et le Château comtal.
C’est un détail insolite apparu par-dessus les toits qui m’incita à l’aller voir : une rose à sept pétales !

Notre Dame de l'Abbaye à Carcassonne
Notre Dame de l’Abbaye

La visite n’apporte guère plus de révélations si ce n’est une confirmation du 7 dans le haut du vitrail central du choeur : l’artiste, Gérard Milon y fait figurer, en 1970, très intuitivement sept belles étoiles sur fond de nuit.

Par contre, la brochure décrivant l’histoire de cet édifice apporte elle son lot de questionnement, de curiosité et d’hypothèse !

Vitrail de Gérard Milon à Notre Dame de l'Abbaye de Carcassonne
Vitrail de Gérard Milon à Notre Dame de l’Abbaye

Vraisemblablement établie sur le lieu de rassemblement des premiers chrétiens de Carcassonne, au bord de l’ancienne voie d’Aquitaine menant de Narbonne à Bordeaux (aujourd’hui, rue Trivalle), cette église est désignée comme cathédrale depuis au plus tard 577 (première mention de l’évêché de Carcassonne) jusqu’en 925, au plus tard (première mention de Saint Nazaire et Celse de la Cité comme cathédrale sous l’épiscopat de l’évêque Gimmer qui décide du transfert du siège épiscopal). Dédiée depuis longue date à Sainte Marie, elle est connue sous plusieurs vocables : Sainte Marie de Grâce d’abord, puis Sainte Marie du Saint Sauveur à partir de 926 pour prendre au XIIe siècle le vocable actuel de Notre Dame de l’Abbaye.

Une cave taillée dans le roc aurait servi de lieu de culte pour les premiers chrétiens puis aurait servi de crypte ; les capucins la mentionnent encore au XVIe siècle. Cette crypte n’a jamais été retrouvée ! Il est possible qu’elle ait été condamnée, voire sérieusement endommagée lors des luttes qui opposèrent Montmorency et Joyeuse : en effet, le Duc de Joyeuse tient l’église en sus de la Cité, cette dernière devient donc un enjeu d’importance dans la lutte qui oppose les deux rivaux. L’édifice sera très dégradé à la fin du XVIe siècle.

Des chroniques arabes du XIe siècle indiquent qu’au VIIIe siècle, l’église renfermait « sept colonnes d’argent pur, un homme ne pourrait pas en entourer une avec toute la longueur de ses deux bras ».

En 1792, les capucins, installés là depuis 1592, sont expulsés et les bâtiments sont convertis par leur nouveau propriétaire en usine de drap. En 1842, Mgr de Bonnechose, évêque de Carcassonne, futur archevêque de Rouen et Cardinal (celui qui déclencha les recherches fertéennes d’après ses dires et qui indique le secret du chandelier à sept branches dans la Comtesse de Cagliostro), rachète les bâtiments !

Voilà, voilà !, de là à dire que le Chandelier à sept branches repose depuis le VIe siècle dans la crypte (cachée et perdue) de cet édifice.

La cathédrale Saint Michel

A partir de 1803, sous l’épiscopat de Mgr Arnaud Ferdinand de Laporte, l’église Saint Michel acquiert le statut de cathédrale. On est sous le Concordat et les évêchés créés par Jean XXII au XIVe siècle ont été supprimés et rassemblés sous la houlette de l’évêque de Carcassonne (Saint Papoul, Alet et Mirepoix).

Sans m’étendre ici sur cet édifice largement restauré par Viollet-le-Duc – de 1857 à 1869 – en tant qu’architecte diocésain, je voulais ici souligner les points suivants :

• Le buste reliquaire de Saint Lupin est déposé dans la chapelle Saint Jean-Baptiste comme chacun le sait maintenant. Il fait pendant, dans la même chapelle, au buste-reliquaire de Saint Jean-Baptiste; entre eux se trouve une statue de Saint François d’Assise. Les dates de fêtes (indiquées sur la notice explicative à l’entrée de la chapelle) des différents saints de cette chapelle sont assez « éparpillées » : Saint Jean est fêté le 24 juin (naissance) et le 29 août (décollation), Saint Lupin est fêté le 21 mai et Saint François d’Assise est fêté le 4 octobre. Les deux chapelles qui encadrent la chapelle Saint Jean-Baptiste sont la Chapelle de la Croix (découverte de la croix par Sainte Hélène et statue de Sainte Germaine !) et la chapelle Saint Nazaire et Saint Celse (reliquaires des deux saints, statue de Sainte Anne avec la Vierge enfant, statue de l’enfant Jésus de Prague et tableau de Sainte Thérèse d’Avila).

Le buste-reliquaire de Saint Lupin à la cathédrale Saint Michel
Le buste-reliquaire de Saint Lupin à la cathédrale Saint Michel

• Comme la plupart des églises de Carcassonne (Saint Vincent, Saint Gimer, l’église des Carmes et donc Saint Michel), les roses des fenêtres latérales qui éclairent les nefs de ces édifices présentent un dessin en forme de sceau de Salomon : il n’y a donc pas que les églises de Limoux et d’Alet qui présentent cette caractéristique ! A Saint Michel, cependant, elles sont dues à Viollet-le-Duc ;

Rosace de la cathédrale Saint Michel de Carcassonne
Rosace de la cathédrale Saint Michel de Carcassonne

• Je n’ai pu repérer la sépulture ou le monument de Félix-Arsène Billard. En rentrant, je me suis aperçu que j’étais passé à côté car les dalles de marbre noir des sépultures de Billard et de Beauséjour se situent dans le choeur de Saint Michel”.

Une église de Viollet-le-Duc et quelques surprises

Tête de Viollet-le-Duc au château comtal de Carcassonne
Tête de Viollet-le-Duc au château comtal de Carcassonne

Revenons encore quelques instants au pied de la Cité. A la place de l’ancienne barbacane située en dessous du château comtal, formidable dispositif militaire de l’époque. Viollet-le-Duc, d’habitude soucieux de préserver des témoins irremplaçables des arts et techniques médiévaux (et c’est incontestablement le cas de la Grande Barbacane de la Cité) a préféré édifier une des rares églises qu’il ait construites ex nihilo en France (il n’en a construit que 3 ! Saint-Denis l’Estrée à Saint-Denis – sur le Méridien de Paris -, Aillant-sur-Tholon dans l’Yonne, sur des terres de Sainte Colombe de Sens. et Saint Gimer, également sur le Méridien de Paris !). Cette église est dédiée à Saint Gimer, évêque populaire de Carcassonne au Moyen-âge (de 902 à 931) que l’on a déjà croisé plus haut. Elle a été consacrée le 22 juin 1859 par Mgr François de la Bouillerie sous les vocables de « L’Immaculée-Conception de la Sainte Vierge » et de « Saint Gimer ».

L’extérieur de l’édifice fait apparaître sept roses à six pétales éclairant la nef et le transept, et un chevet à sept pans comme à Saint Nazaire et Saint Celse, à Saint Michel et à Notre-Dame de l’Abbaye.

Dessin de la Cité de Carcossonne
Dessin de la Cité de Carcossonne

En restant à l’extérieur, nous remarquons un curieux « N » gravé sur un moellon de pierre d’un des piédroits situé à gauche de l’entrée.

"N" sur un piédroit de l'église Saint Gimer
“N” sur un piédroit de l’église Saint Gimer

A l’intérieur, la plupart des éléments de décoration (autel, chaire, chapelles, grilles et même les supports de bougies !) ont été dessinés par Viollet-le-Duc.

Une dernière surprise nous attend à l’intérieur. En effet, l’édifice recèle un bas-relief servant de monument aux morts qui sort tout droit de la maison Giscard de Toulouse ! et qui présente les mêmes caractéristiques que ceux déjà étudiés par Gérard de Sède (Couiza) et André Douzet (Tarentaise dans le Pilat et l’église d’Armissan) !

Monument aux morts de l'église Saint Gimer de Carcassonne
Monument aux morts de l’église Saint Gimer de Carcassonne
Monument aux morts de l'église de Couiza (Jean-Claude Debrou ©)
Monument aux morts de l’église de Couiza (Jean-Claude Debrou ©)

Non signé mais indéniablement du même atelier que les précédents, ce bas-relief montre de subtiles différences (positions des jambes notamment) par rapport à ceux décrits par de Sède et Douzet.

En revenant vers la Bastide

Les bergers d'Arcadie
Les Bergers d’Arcadie”…

En passant rue Trivalle, n’oublions pas de jeter un oeil sur ce restaurant !

Le Pont-Vieux relie la Cité à la Bastide. En son centre une croix de pierre exhibe curieusement quatre croissants : souvenir des Sarrasins qui ont fait tomber la forteresse wisigothique ? !

Au débouché du Pont, sur la droite, subsiste la façade de l’hôpital général construit sur ordre de Louis XIV pour accueillir les délaissés de la société de l’époque. Cet ensemble de bâtiments a été détruit en 1988 (la fin du XXe siècle a vu de sérieuses disparitions de patrimoine dans ce secteur de Carcassonne, pour cause de résidences ou de parking ! no comment, mais les époques dites obscures de notre histoires n’ont pas forcément l’apanage des destructions.) Deux curiosités :

• Le porche principal, heureusement conservé montre une statue de Saint Vincent Depaul accueillant des enfants ;

• A l’angle d’une rue sur un mur nu, une fenêtre vitrée se détache en hauteur et montre au passant attentif une statue de Vierge à l’enfant debout sur une sphère étoilée.

Eglise Saint Vincent

Poursuivant la promenade, nous arrivons à l’église Saint Vincent : positionnée près de la place centrale, c’est elle qui domine la Bastide, grâce à son clocher de 54 m de haut, et non la cathédrale Saint Michel que l’on aperçoit à peine sur le bord Sud des remparts de la Bastide. Deux courtes remarques sur cet édifice :

Etoile à 5 branches sur la façade de l'église Saint Vincent de Carcassonne
Etoile à 5 branches sur la façade de l’église Saint Vincent de Carcassonne

• Le beau galbe dominant la façade Ouest, bien que du XIXe, présente une curieuse étoile à 5 branches ;

• L’édifice abrite les reliques de Saint Hermès qui ne sont donc pas dans la cathédrale comme le laissait penser P. Ferté dans son interview. Ces reliques enfermées dans un corps de cire ! qui est allongé sous l’autel de la chapelle Saint Roch, lui-même surmonté d’un tableau représentant le « Triomphe de la Sainte Croix ». La notice explicative sur Saint Hermès nous indique que les restes de ce martyr romain du IIIe siècle (il mourut d’un coup de lance dans le cou) ont été retrouvés au XIXe siècle lors des fouilles des catacombes de Sainte Calliste sur la Voie Appienne avec de nombreux autres martyrs chrétiens des premiers siècles. De nombreuses églises se disputaient à l’époque la possession de ses nouvelles reliques. A Carcassonne échurent (par hasard semble dire la notice) les restes de Saint Hermès. La translation des reliques dans l’église Saint Vincent eut lieu le 28 octobre 1877.

Musée des Beaux-Arts de Carcassonne

Mes pas m’ont ensuite porté vers le Musée des Beaux-Arts de Carcassonne pour aller voir de près le fameux « Dernier Mérovingien » d’Evariste Vital Luminais, dont feu M. Dagobert indiquait que Childéric III arborait les traits de son ancêtre.

Le dernier mérovingien d'Evariste Vital Luminais au musée des Beaux-Arts de Carcassonne
Le dernier mérovingien d’Evariste Vital Luminais au musée des Beaux-Arts

La notice précise outre les dimensions de la toile (214 x 173 cm) que cette toile fait partie du fonds Courtejaire avec cette date 1884 ; Casimir Courtejaire (1795-1887) a permis, avec d’autres, l’établissement des premières collections du Musée des Beaux-Arts de Carcassonne. Cette information vient cependant en contradiction avec celle mentionnée par P. Ferté qui indique que la toile a été acquise en 1897 par le Musée et je ne doute pas de la sûreté de cette information par Ferté qui se base sur un article du Courrier de l’Aude du 26 novembre 1897.
« La scène représente l’ordination contre son gré de Childéric III, dernier mérovingien déposé en 751 par Pépin le Bref. Les liens qui le retiennent à son siège, les moines qui l’encadrent et le maintiennent, attestent de la violence qui lui est faite. Son manteau rouge et sa couronne sont jetés à ses pieds. »

Sans doute Luminais s’inspira-t-il de l’historien Augustin Thierry (1795-1856) qui indique : « Un prince mérovingien pouvait subir de 2 façons la déchéance symbolisée par la coupe des cheveux : ou ses cheveux étaient coupés à la manière des Francs, c’est-à-dire à hauteur du col, ou bien on le tondait très court, à la mode romaine et ce genre de dégradation, plus humiliante que l’autre, était ordinairement accompagnée de la tonsure ecclésiastique ». C’est bien cette « infamie » que nous décrit ici le peintre, soulignée par la puissance physique du guerrier maintenant enchaîné et confronté aux faciès hagards, pleutres et satisfaits des hommes d’église. »

Où l’on retrouve Mgr Billard

Enfin, je vous propose de finir ce périple carcassonnais par une exposition « Trésors de nos églises » (exposition malheureusement temporaire en juillet et août 2007) sur les ornements d’églises et trésors des églises de Carcassonne (robes, chasubles, ciboires, calices, étoles, etc.) qui se tenait dans l’ancienne chapelle des jésuites, rue des études. Au détour des vitrines, je découvris ainsi plusieurs objets ayant appartenu à Mgr Félix-Arsène Billard : sa « chapelle personnelle », c’est-à-dire deux burettes, une patène un calice et un ciboire, le tout en or rehaussé avec des diamants !

Chapelle personnelle de monseigneur Billard, évêque de Carcassonne
Chapelle personnelle de monseigneur Billard, évêque de Carcassonne

La notice accompagnant cette vitrine vaut d’être citée : « Mgr Billard fut évêque de Carcassonne du 17 février 1881 au 3 décembre 1901. Comme son prédécesseur, François de Sales – Albert Leuillieux (évêque de 1873 à 1881), il porte des armes inventées et bavardes qui prétendent annoncer un message religieux et évangélique ainsi qu’un programme : « d’azur à une nacelle d’argent (alias d’or) sur une mer du second avec un saint Pierre comme pilote tenant une rame de sa main dextre et une croix haute de calvaire, comme mât, de sa main sénestre, le tout d’argent ». Elles « illustrent » sa devise « In verbo tuo laxabo rete » (sur ta parole, je jetterai le filet). Ces mots sont ceux de Simon-Pierre (cf. Luc 5-5) : pêche miraculeuse illustrant la foi de Pierre qui, malgré l’improbable, jette une dernière fois son filet, croyant en la parole du Christ.

Mgr Billard s’est passionnément intéressé au lieu de Prouilhe où Saint Dominique avait rassemblé des femmes cathares converties. Le prieuré royal, richissime, entièrement détruit à la Révolution, renaissait grâce à des générosités privées ; un projet grandiose de Basilique, dans l’esprit du Sacré-Cour de Montmartre, avait été conçu. Ce projet fut en partie réalisé grâce à Mgr Billard, mais sa mort interrompit les travaux et la coupole prévue ne fut jamais réalisée.

C’est donc la chapelle personnelle de Monseigneur Billard qui est présentée dans cette exposition. Sa qualité exceptionnelle, de même que les diamants qui la rehaussent, en font un objet de grande valeur témoignage des dons que les fidèles de l’époque faisaient à l’Eglise, au Diocèse de Carcassonne et à son évêque ».

Conclusion ?

Cette balade carcassonnaise n’avait pour but que de diriger notre regard et notre curiosité vers certains lieux ou aspects de la Ville. Chacun des points soulevés mériterait des approfondissements qui restent à faire. Carcassonne, cité du Sept ?

Empruntons pour conclure cette citation du Moniteur de l’Archéologie (tome 2, mars-juin 1968) citée par P. Ferté : « C’est à la place où était le Palais des rois Goths, à Carcassonne, que réside peut-être encore les dépouilles du temple de Jérusalem. Qui sait si, dans ce temps de découvertes archéologiques, on ne retrouvera pas aussi ce précieux trésor, et non seulement les dépouilles du nouveau temple mais encore les dépouilles de l’ancien (le Tabernacle et l’Arche d’Alliance) que Jérémie cacha dans une caverne du Mont Nébo ».

Avant de quitter Carcassonne, un dernier coup d’oil à la Belle Aude (?), sculpture Art Nouveau d’un immeuble dans la Bastide.

La Belle Aude dans la Bastide de Carcassonne

Strasbourg, mises à jour les 17 février 2020 et 16 mars 2022, le 2 septembre 2007, Al Sufi ©

Toutes les photos, sauf celle du dessin de la Barbacane par Viollet-le-Duc et du monument aux morts de Couiza, sont de l’auteur.

Al Sufi a investigué dans une autre ville, dans le nord de la France, elle aussi énigmatique : la ville de Stenay, ville du diable.

Dans l’affaire des 2 Rennes, une autre cité interpelle, la cité de l’aiguille à Etretat avec son aiguille creuse.


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