Chanson de Roland et le vrai Roncevaux

La chanson de Roland

On nous apprend sur les bancs de l’école (du moins de mon temps) que l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne, commandée par le comte Roland tomba dans une embuscade tendue par les Vascons au col d’Ibaneta, sur la voie romaine qui va de Roncevaux (Summus Pyréneus) à Bordeaux (Burdigala). C’est dans la chanson de Roland !
Nous allons voir que ce n’est pas si simple et je vais essayer de vous démontrer que cela pourrait bien être faux. En effet, les noms allitérants de Roland et de Roncevaux sont inconnus des annales carolingiennes. C’est normal, toute historiographie de cour suit une propension naturelle à conserver les souvenirs des épisodes les plus glorieux du règne. L’embuscade pyrénéenne dans laquelle tombe Roland ne peut être qu’un malencontreux épisode sur lequel il serait inopportun d’insister pour les historiographes de cour.

Néanmoins, cet épisode correspond à des faits réels que la légende nous a heureusement conservés (« La Chanson de Roland »). De plus, au fur et à mesure que les événements s’éloignent dans le passé, les témoins oculaires et les participants se raréfient, les témoignages deviennent confus, voire erronés.

Voyons ce que dit l’historien Jules Michelet de la chanson de Roland

« La défaite de Roncevaux ne fut assure-t-on qu’une affaire d’arrière-garde. Cependant Eginhard avoue que les Francs y perdirent beaucoup de monde, entre autre plusieurs de leurs chefs les plus distingués dont le fameux Roland. Le roi Charles aurait même tenté d’étouffer l’affaire de cette perte de valeureux soldats. De sorte que l’on peut se demander s’il n’y a pas eu falsification du récit sur ordre du roi lui-même . »

Jetons un oeil sur le texte d’Eginhard

« Pendant qu’il faisait aux Saxons une guerre vive et presque continue, il répartit des garnisons sur tous les points favorables des frontières du côté de l’Espagne, attaqua ce royaume à la tête de l’armée la plus considérable qu’il put réunir, franchit les gorges des Pyrénées, força de se rendre à discrétion toutes les places et les châteaux- forts devant lesquels il se présenta et ramena les troupes saines et sauves. »

La chanson de Roland en littérature

On sait déjà que c’est faux ! Le roi Charles échoua dans sa conquête de l’Espagne musulmane et ne put se rendre maître de Saragosse, verrou stratégique qui ouvre la voie pour se prendre Cordoue.

Continuons avec Eginhard

« A son retour cependant, il eut, dans les Pyrénées même, à souffrir un peu de la perfidie des Gascons. Dans sa marche, l’armée défilait sur une ligne étroite et longue, comme l’y obligeait la nature du terrain resserré. Les Gascons s’embusquèrent sur la crête de la montagne qui, par le nombre et l’épaisseur de ses bois, favorisait leurs artifices; de là, se précipitant sur la queue des bagages et sur l’arrière- garde destinée à protéger ce qui la précédait, ils les rejetèrent dans le fond de la vallée, tuèrent, après un combat opiniâtre, tous les hommes jusqu’au dernier, pillèrent les bagages, et, protégés par les ombres de la nuit qui déjà s’épaississaient, s’éparpillèrent en divers lieux avec une extrême célérité. Les Gascons avaient pour eux dans cet engagement la légèreté de leurs armes et l’avantage de la position. La pesanteur des armes et la difficulté du terrain rendaient au contraire les Francs inférieurs en tout à leurs ennemis. Eggiard, maître d’autel du roi, Anselme, comte du Palais, Roland, commandant des Marches de Bretagne et plusieurs autres périrent dans cette affaire.»

Eginhard essaie en vain d’amoindrir cette affaire; son récit laisse échapper des mots qui révèlent ce qu’il voudrait cacher : « tous les Francs engagés dans l’affaire périrent jusqu’au dernier » et il ajoute « ce revers empoisonna dans le cour de Charles la joie de toutes les victoires qu’il avait gagnées en Espagne. » A cela s’ajoute la confusion, car un demi-siècle plus tard, l’armée d’un des fils de Charlemagne (Louis le D ébonnaire) fut taillée en pièce dans le défilé de Roncevaux. L’imagination et la confusion aidant, de ces deux catastrophes, on en fit bientôt plus qu’une.

Détail du vitrail de Charlemagne à la cathédrale de Chartres – Roland sonne le cor et fend le rocher grâce à son épée Durandal

Stratégiquement, le roi Charles ne pouvait pas emprunter le voie qui passe par Roncevaux, surtout après que les Francs ont rasé Pampelune et, sans doute, commis quelques exactions. Charles et ses Paladins étaient des combattants aguerris, expérimentés et pas complètement stupides. Ils savaient qu’en empruntant cette voie , les Vascons, peuple très ancien, fiers et rudes guerriers, jaloux de leur liberté et de leur indépendance, ne les laisseraient pas s’en retourner en Gaule aussi facilement. Les Vascons ne furent dominés ni par les Romains, ni par les Wisigoths, ni par les Arabes, tous ces envahisseurs n’ont jamais osé combattre ces montagnards turbulents sur leur terrain. Il faut attendre que Charlemagne devienne empereur pour qu’un semblant d’autorité s’installe, et encore les Basques n’auront de cesse de se révolter contre l’autorité royale dès qu’ils le pourront (ils sont encore turbulents de nos jours, mais ça c’est une autre histoire).

Revenons à notre point stratégique, ennemis embusqués connaissant parfaitement le terrain et la topographie des lieux :

Les historiens nous le confirment :

« La voie antique était trop étroite dans la traversée de la montagne pour donner passage à plus de deux hommes de front, d’autant qu’ils étaient chargés de leurs armes offensives et défensives et de leur équipement de campagne. L’armée, de ce fait, s’étirait sur une distance de plusieurs lieues. Les chevaux conduits à la bride allongeaient encore cette file. Dans ces conditions et quoi qu’il arrivât, l’armée était incapable de faire marche arrière et de se déployer en ordre de bataille.
Elle longeait d’un coté des crêtes boisées, de l’autre de profonds ravins, si bien qu’elle était à la merci d’assaillants éventuels qui l’auraient prise de flanc. »

Charlemagne retrouvant le corps de Roland à Roncevaux - Miniature de Jean Fouquet
Charlemagne retrouvant le corps de Roland à Roncevaux – Miniature de Jean Fouquet

Lisons Léon Gautier, professeur à l’école des Chartes, La chanson de Roland en main :

« Je suis allé à Roncevaux, j’ai parcouru tranquillement et attentivement le chemin Val-Carlos, partout la gorge est resserrée. Il est impossible que toute l’armée soit passée par ce col. Les passages difficiles du Val-Carlos ont une longueur de 10 km, dans beaucoup d’endroits deux hommes ne peuvent passer de front. L’armée a dû passer par la voie antique de la vallée d’Aspe à Somport. »

Nous pouvons voir que, même au XIXe siècle, il y avait déjà un doute quant au chemin du retour, même si L. Gautier fait revenir Roland par le Somport, ce qui est peu probable.

Et enfin lisons M. Jean Favier dans son « Charlemagne » (Fayard).

Historien, il a été conservateur aux archives Nat., professeur aux universités de Rennes, Rouen et Paris Sorbonne, directeur à l’école pratique des Hautes Etudes, directeur général des Archives de France, pdt du conseil international des archives et pdt de la BNF.

« C’est alors que le 15 août 778, l’armée franchit la chaîne pyrénéenne à Roncevaux. Du moins la tradition fondée sur la chanson de Roland place-t-elle en ce col proche de Pampelune et relativement accessible le désastre survenu au passage d’un col occidental qu’il est difficile d’identifier sûrement mais qui pourrait être celui d’Ibaneta (1057m). Encore faut-il observer que le nom même de Roncevaux, Rencesvals ou autre n’est cité dans aucun document antérieur à la chanson et que pas un vestige d’armement carolingien n’a été trouvé par les archéologues au lieu désormais dit Roncevaux. C’est la chanson qui, on y reviendra, a fait revendiquer la bataille et le nom par bien des cols . On a même, récemment, tiré argument d’un possible retour vers Carcassonne et Narbonne plutôt que vers l’Aquitaine pour évoquer un passage par les ports et crêtes et l’Andorre.

Le Pas de la Roque, en dessous de Lavaldieu avec au premier plan l'ancienne voie romaine de la chanson de Roland
Le Pas de la Roque, en dessous de Lavaldieu avec au premier plan l’ancienne voie romaine

Rappelons-le pour en finir, ni les annales royales, ni Eginhard ne nomment le col, et les poètes de langue d’oïl qui ont précédé Turold n’ont pas plus que celui- ci la connaissance de la géographie pyrénéenne. Le poids des traditions est ici déterminant et ce sont des traditions locales de pays éloignés.
Plus grave est la perte des territoires, laquelle a précédé l’affaire dite de Roncevaux. Les Arabes remettent la main sur Barcelone et sur Huesc. La chrétienté a perdu un point, certains tenteront, sans succès de masquer l’échec. »

Politiquement Charles n’en est pas moins perdant dans son royaume, son autorité souffre de la défaite. Ceux qui tenaient en respect la force armée des Francs voient venu le temps où ils pourraient secouer le joug.

Alors, me direz-vous, par où sont passés Roland et l’arrière-garde ?
Ils n’ont pu passer que par l’Est, sans doute par la voie antique Augusta en Espagne, qui passe par Gérone et Barcelone et qui rejoint la voie Domitienne en Gaule, puis au passage des Pyrénées (Summum Pyreneum) par le col de Panissars. Le passage de la Cluse, aujourd’hui le Pertus, ne date que du XVIème siècle. Son étymologie de Perthus, ” Pertusum ”, ouvert à coups de pics, plaide en faveur d’un lieu de passage aisé. Le col de Panissars lui est beaucoup plus facile d’accès, mais moins direct. Le Summum Pyreneum est donc le col de Panissars et non le col du Perthus.

Le Pas de la Roque proche de Lavaldieu dans la chanson de Roland
Le Pas de la Roque proche de Lavaldieu

Deux chemins s’offraient à l’arrière-garde; le premier, le long du littoral, par la voie Domitienne qui conduisait directement à Narbonne; le second remontait vers l’ouest en suivant le cours de la Gly, traversait le bassin entre la dernière chaîne des Corbières et les premiers contreforts des Pyrénées, aboutissait à la région montagneuse où commence aujourd’hui, avec la forêt des Fanges, le département de l’Aude.
Ils ont sûrement dû longer la chaîne des Corbières qui, du cap de Leucate aboutit au pic de Bugarach, franchir le col St Louis en suivant la vallée Arése (valles arida), se diriger vers le nord, à travers ces plis de terrain où furent plus tard créés les villages de St Louis et de St -Just, la Jacotte, le cimetière du Bézu, le Carlat, Redhae et ce en direction de Carcassonne via Limoux. C’était le seul chemin possible à l’époque.

Les routes sous l’empire Carolingien et la rencontre avec La chanson de Roland

Jean Favier :

« Au sein du monde franc, les échanges répondent encore aux besoins de la clientèle. Les routes romaines sont toujours praticables et il semble bien qu’on les entretienne.
Les siècles suivant en feront des ‘chaussées Brunehaut’.
Le vin, le blé, le sel, les draps circulent d’une région à l’autre. Et les marchands passent sans encombre les grands cols alpins et pyrénéens. »

N’oublions pas qu’à l’époque, la frontière était grosso modo vers le col St Louis, donc la zone tampon qui allait jusqu’à Barcelone, zone que l’on nomme ‘ Marches d’Espagne ‘.

La chanson de Roland : Le Col de St-Louis et le "Château des Maures"
Le Col de St-Louis et le “Château des Maures”

Roland et ses preux sont-ils tombés dans un accrochage avec les Sarrasins qui gardaient le col St Louis ? Il y a toujours les ruines d’un fortin arabe à cet endroit. 

Louis Fédié et la chanson de Roland

« Les Sarrasins avaient construit au col de St-Louis, une puissante forteresse dont on voit encore quelques ruines, portant le nom de château des Maures, et qui gardait la voie militaire se dirigeant de la vallée de l’Aude dans le Roussillon ».

Ou sont-ils tombés dans une embuscades tendue par des routiers aragonais, des pillards catalans, des mercenaires basques en rupture de banc, ce qui expliquerait la méprise du lieu des combats dans le chanson de geste, ou au Pas de la Roque qui selon une tradition tenace est aussi appelé ‘ Le vrai Roncevaux’.

Une tradition voudrait que l’embuscade ait eu lieu au Pas de la Roque. Non loin de là, un sentier qui monte vers les Quatre Ritous se nomme « Le vrai Roncevaux ». Il longe la barrière rocheuse de la pic de Lavaldieu et le bois du Lauzet, mais il paraîtrait que le passage du Pas de la Roque n’a été ouvert qu’au Moyen Age, vers le XIIème ou XIIIème siècle.

J’espère que vous avez pris autant de plaisir à lire ces quelques lignes que j’en ai eu à les écrire.

“La Chanson de Roland”, éd. critique de Cesare Segre, éd. Droz “La Chanson de Roland”, Léon Gautier, éd. Lacour
Dist Blancandrins:”Francs sunt mult gentilz home.
Mult grant mal funt e cil duc e cil cunte
A lur seignur, ki tel cunceill li dunent:
Lui e altrui travaillent e cunfundent”
Guenes respunt:<<jo ne sai, veirs, nul hume,
Ne mes Rollant, ki uncore en avrat hunte.
Er main sedeit li emperere suz l’umbre:
Vint i ses niés, out vestue sa brunie,
E out predét dejuste Carcasonie; (vers 385)
En sa main tint une vermeille pume.
Tenez, bel sire, dist Rollant a sun uncle,
De trestuz reis vos present les curunes.
Li soens orgoilz le devreit ben cunfundre,
Kar chascun jur de mort si s’abandunet.
Seit ki l’ociet, tute pais puis avriumes
Passet la noit, si apert le cler joe.
De sarraguce Carles guarnist les turs;
Mil chevalers i laissat puigneurs:
Guardent la vile a oés l’empereor.
Muntet li reis e si hume trestuz
E Bramimunde meinet en sa prisun;
Mais n’ad talent li facet se bien nun.
Repairez sunt a joie e a baldur;
Passent Nerbone par force e par vigur; (vers 3683)
Vint a Burdeles, la citét de […],
Desur l’alter seint Sevrin le baron
Met l’oliphan plein d’or e de manguns:
Li pelerin le veient ki la vunt.
Passet Girunde a mult granz nefs qu’i sunt;
Entresque a Blaive ad cunduit sun nevold
E Oliver, sun noble cumpaignon
E l’arcevesque, ki fut sages e proz.
En blancs sarcous fait metre les seignurs : (vers 3692)
A Seint Romain, la gisent li baron.
Quels vaillants hommes que les Français ! » dit Blancandrin :
Mais vos comtes et vos ducs font très grand tort
A leur seigneur, quand ils lui donnent tel conseil;
Ils perdent Charles, et en perdent bien d’autres avec lui.
Je n’en sais vraiment pas un, » dit Ganelon, « qui mérite ce blâme,
Pas un, si ce n’est Roland ; et il n’en tirera que de la honte.
L’autre jour encore, l’Empereur était assis à l’ombre.
Son neveu vint devant lui, vêtu de sa broigne :
C‘était près de Carcassonne, où il avait fait riche butin.
Dans sa main il tenait une pomme vermeille :
Tenez, beau sire, dit-il à son oncle,
Voici les couronnes de tous les rois que je mets à vos pieds.
La nuit passe, et le clair jour apparaît dans le ciel.
Charles garnit alors les tours de Saragosse :
Il y laisse mille chevaliers vaillants,
Qui gardent la ville pour l’Empereur;
Puis, avec tous ces hommes, Charles remonte à cheval,
Emmenant Bramimonde captive;
Mais il ne veut lui faire que du bien….
Les voilà qui s’en retournent plein d’allégresse, plein de fierté joyeuse.
Vivement et en vainqueur ils passent par Narbonne.
Puis Charles arrive à Bordeaux, la grande et belle ville.
C’est là que sur l’autel du baron saint Séverin
Charles dépose l’olifant, qu’il avait rempli d’or et de mangons;
Et c’est là que les pèlerins peuvent encore le voir.
Sur de grandes nefs l’Empereur traverse la Gironde;
Il conduit jusqu’à Blaye le corps de son neveu,
Celui d’Olivier, le noble compagnon de Roland,
Celui de l’archevêque, qui fut si preux et si sage.
On dépose les trois seigneurs en des tombeaux de marbre blanc,
A Saint Romain, ou maintenant encore gisent les barons.

Le débat est ouvert. Relisez La chanson de Roland … Cordialement !

Mise à jour 22 octobre 2019, 17 novembre 2005, Aetius ©


Le double intérêt de cette mise à jour, c’est que des centaines de nouveaux lecteurs vont découvrir l’article et que, depuis l’article d’Aetius en 2005, nous avons pu accéder à un lieu aux alentours de la Pique de Lavaldieu et du Pas de La Roque… dans les pas de La chanson de Roland.

Les photos ci-dessous illustrent la découverte !

Chapelle ou tombeau de Roland ? dans la chanson de Roland
Chapelle ou tombeau de Roland ? – Johan Netchacovitch ©

Chapelle ou tombeau de Roland ? – Johan Netchacovitch ©

Chapelle ou tombeau de Roland ?
Chapelle ou tombeau de Roland ? – Johan Netchacovitch ©
Pierre de l'autel ou pierre tombale ?
Pierre de l’autel ou pierre tombale ? – Johan Netchacovitch ©

22 octobre 2019, Johan Netchacovitch ©


L’expédition en Espagne de Roland

Le mystère Roland

La nuit commence à tomber et à recouvrir de son linceul noir les cadavres éparpillés çà et là. Seul survivant de l’âpre combat qui vient de se terminer, un homme, blessé, tente dans un ultime effort de se redresser pour souffler dans un cor. Soudain son regard devient fixe, sa tête retombe en arrière contre le rocher sur lequel il avait tenté de prendre appui. Il vient de succomber à ses blessures. Nous sommes le 15 août 778, et cet homme c’est… Roland.

De Roland, on ne sait rien. Sinon cette citation d’Eginhard, Hruodlandus Brittanici Limitis Praefectus, que l’on peut traduire par Roland préfet des Marches de Bretagne. Mais qui était Roland ? Le neveu de Charlemagne ou un fils incestueux ? Du reste, la fresque qui se trouve dans la cathédrale de Chartres y ferait-elle allusion ? Saint Gilles sermonnant le Roi Charles pour son terrible péché, à savoir le commerce incestueux qu’il eut avec sa soeur et dont Roland serait le fruit. Des historiens se demandent tout simplement si Roland a bien existé et s’il n’est pas un mythe.

Les récits poétiques de l’histoire basque n’y font aucune allusion, les chroniqueurs arabes non plus. Ou fut-il victime de la censure de la cour ? En effet, les chroniqueurs officieux des monastères de tout le royaume reçurent l’ordre de ne souffler mot des cruels revers qui avaient marqué la fin de l’expédition en Espagne… Cette censure ne fut levée dans une certaine mesure qu’en l’an 829 et 840, c’est-à-dire à la fin du règne de Louis le Pieux. Ce qui fait qu’aujourd’hui nous ne savons toujours pas qui était Roland.

Statue de Roland à la cathédrale de Chartres (DR)
Statue de Roland à la cathédrale de Chartres (DR)

La bataille de Roncevaux

Nous sommes en l’an de grâce 777, Charlemagne tient à Paderborn une assemblée pour jeter les premiers jalons de l’implantation de l’église en Westphalie. Cette assemblée fut marquée par le premier baptême collectif des Saxons. A cette assemblée de Paderborn se présenta Ibn al Arabi le Wali (gouverneur) de Saragosse et plusieurs chefs musulmans d’Espagne du Nord qui, en conflit avec l’émir omeyade de Cordoue Abderraman 1er, vinrent solliciter le concours de Charlemagne. Les conjurés venaient se mettre sous sa protection et proposaient au roi des Francs une alliance contre l’émir de Cordoue, considéré comme leur ennemi. Il était convenu que les rebelles accueilleraient l’armée des Francs dans les villes qu’ils détenaient, notamment Barcelone et Saragosse.

Celui-ci céda à l’illusion de pouvoir par son intervention arracher à l’islam une partie de l’Espagne et franchit les Pyrénées l’année suivante. Charles convoqua pour le printemps 778 deux puissantes armées. La première, l’armée de l’Est, était composée de contingents austrasiens, bavarois, bourguignons, lombards et provençaux. Elle devait passer par les cols des Pyrénées Orientales ou Centrales.

L’armée de l’Ouest, sous les ordres direct de Charlemagne, était composée de contingents neustriens et aquitains et devait emprunter les cols des Pyrénées Occidentales. Les deux armées devaient se rejoindre devant Saragosse, Ibn al Arabi leur ouvrirait les portes.

C’est alors qu’Al Husayn, principal lieutenant d’Ibn Al Arabi, excédé par l’attitude des Francs, décide de rompre l’accord et s’enferme avec ses troupes derrière les puissants remparts de Saragosse. Quand Charlemagne arrive dans la ville, Al Hysayn refuse de lui ouvrir les portes. Le roi des Francs échoue donc dans son entreprise de la conquête de la ville, il ne pouvait plus envisager une offensive en direction de Cordoue.
Nous sommes au mois de juillet 778, Charles ne peut se permettre un siège de plusieurs mois, il ne pourrait assurer le ravitaillement de son armée en hiver. Pire, la route du retour en Gaule risquerait d’être coupée par les chutes de neige sur les cols, ce qui mettrait les Francs à la merci des embuscades de leurs adversaires les Vascons (Basques). Le siège fut levé fin juillet et Charlemagne prit la route du retour vers Pampelune que, dit-on, Roland rasa en guise de représailles. Quand Charles donna l’ordre de repasser les Pyrénées, on approchait déjà de la mi-août.

La voie antique était trop étroite pendant la traversée de la montagne pour donner passage à plus de deux hommes de front, d’autant qu’ils étaient chargés de leurs armes offensives et défensives et de leur équipement de campagne. L’armée, de ce fait, s’étirait sur une distance de plusieurs lieues. Les chevaux, conduits à la bride, allongeaient encore cette file. Dans ces conditions et quoi qu’il arrivât, l’armée était incapable de faire marche arrière et de se déployer en ordre de bataille. Elle longeait d’un côté des crêtes boisées, de l’autre de profonds ravins, si bien qu’elle était à la merci d’assaillants éventuels qui l’auraient prise de flanc. Et c’est bien ce qui se passa ce 15 août 778 quand Roland trouva la mort dans un accrochage avec les Vascons (Basques) selon les historiens, les Arabes selon la chanson de Roland.

Source : Les dossiers de l’archéologie, 1978.

arles li reis, nostre emperere magnes,
Set anz tuz pleins as estét en Espaigne :
Tresqu’en la mer cunquist la tere altaigne.
N’i ad castel ki devant lui remaigne ;
Mur ne citét n’i est remés a fraindre,
Fors Sarraguce,ki est en une montaigne.
Li reis Marsilie la tient,ki Deu nen aimet,
Mahumet sert e Apollin recleimet :
Ne’s poet guarder que mals ne l’i ateignet.

Charles le Roi, notre grand empereur,
Sept ans entiers est resté en Espagne :
Jusqu’à la mer, il a conquis la haute terre.
Pas de château qui tienne devant lui,
Pas de cité ni de mur qui reste encore debout,
Hors Saragosse, qui est sur une montagne.
Le roi Marsille * la tient, qui n’aime pas Dieu,
Qui sert Mahomet et prie Apollon *;
Mais le malheur va l’atteindre : il ne s’en peut garder. Aoi . *

*Marsille : Roi sarrasin d’Espagne. Personnage totalement imaginaire.

*Apollon : L’auteur de la chanson de Roland ne connaissait pas l’islamisme, il s’imaginait que les Sarrasins adoraient des idoles, tout comme les Romains et les Grecs. Les Francs chrétiens considéraient les Sarrasins comme païens.

*Aoi : Cette notation est demeurée inexpliquée.

8 janvier 2006, mise à jour 3 avril 2020, Aetius ©


Soutenez la Gazette de RLC

Vous avez apprécié ce reportage. Vous pouvez soutenir la Gazette de Rennes-le-Château en laissant un pourboire en cliquant sur ce lien https://fr.tipeee.com/gazetterenneslechateau !

Abonnez-vous à la liste de diffusion pour être tenu au courant des prochains articles en cliquant ICI !

Visits: 328